samedi

Dog Days / partie un



On va d'absurde en absurde. Il y a trois mois, je m’engueulais avec ma mère pour une histoire de pot de cornichons. Je déconne pas. La polémique exacte : quelqu'un (moi) avait laissé sorti un pot de cornichons qui avait passé sa journée au soleil. Absurde. Et hier, je tenais la main de ma mère alors qu'elle rendait son âme.


Mais on va en faire quoi, ma vieille, de ton âme? C'est bien beau, que tu nous l'ai refilé, pendant que je te lisais du Rimbaud et que mon père te disait qu'il était tant que tu lâche. Mais on va en faire quoi? Personne peut l'endurer, ta lumière, on a pas la place pour ta grandeur et ton extravagance, pour ta tendresse et ta justice. J'imaginais toujours que quand tu partirais, j'aurais un vieux mari ou une belle épouse pour me tenir la main, pour me montrer mes gamins et me dire : regarde, toi aussi, t'es une mère géniale. Regarde, tout ce que tu vas leur transmettre, avec moi. Mais hier, j'avais seulement 21 ans, et depuis pas longtemps, aucun mioche à l'horizon et encore moins de fiançailles.


Tu toussais. C'est tellement con, Maman, tu toussais, et on se disait, c'est dingue de tousser depuis si longtemps. Quand t'es parti à l'hosto, on se disait, c'est dingue d'y rester si longtemps. Puis les mots lâchés en désordre, cancer, poumon, ovaire, généralisé, métastases. Acceptation, courage, bataille, résignation, bordel de merde. Ensuite, les espoirs, en vrac, chimio, forces, autonomie, hôpital à domicile. T'étais là, Maman, y'a deux semaines, t'avais retrouvé ton chat et ton canapé, ton mari et ton fils, le micro-ondes capricieux avec le bouton start qui marche une fois sur deux, ta bibliothèque de magicienne savante, l'autographe d'Hugh Laurie dans les toilettes. Et moi, j'étais pas là. Je vomissais sans doute dans une cuvette, ou alors j'écrivais une chanson pourrie.

Mais j'arrivais. Je t'avais trouvé des foulards et un bonnet sympa, pour cacher ton crâne, j'arrivais en pensant qu'on serait devant nos émissions préférées, j'arrivais en pensant que tu serais à table avec nous, pour dire à Val de mâcher la bouche fermée, pour me dire que j'en fais toujours trop. J'arrivais, en pensant que la vie allait reprendre, et le prochain Noël, et le prochain été, et cet amoureux que je devais te présenter.

Et ils ont dit que tu étais trop faible pour une seconde chimio. Ils t'ont renvoyés là-bas, en pneumo. En pneumo, les filles sont belles et gentilles, on te propose du café (y'a même du lait pour les petites tapettes comme moi), on te serre l'épaule doucement, et surtout, surtout, tout le monde t'aimait en pneumo. La favorite du service. Mais ça pue la mort, et moi qui arrivais, j'ai senti la mort partout, partout, jusque dans ma gorge : dans la tienne, le cancer avait déjà pris sa décision. Tu pouvais à peine parler. Mais tu voulais qu'on te raconte, alors j'ai parlé du théâtre et de la socio. Quand tu pouvais plus, tu écrivais. Tu as écris "KK BOUDIN" quand j'ai dis que j'avais aimé Real Steel.

J'avais peur, mais j'avais confiance. Je suis rentrée sur Lyon dimanche soir avec la petite boule là où tu avais mal, en y croyant encore. C'est lundi que mon père a appelé pour le dire, pour le dire enfin, "C'est le début de la fin". Alors je suis venue tenir ta main.

Maman, tu étais pudique et tu étais humble, tu n'aimerais pas lire ce que j'écris. Mais je veux qu'ils sachent, tous, tous ceux que j'aime et tous ceux que je hais, que tu as murmuré "non" quand j'ai pleuré. Quand tu m'as demandé, quand tu m'as demandé, "tu veux que je parte?" jusqu'à ce que je dise oui. Oui, parce que y'a que ton cerveau et ton cœur qui marchent, parce que tu seras plus jamais debout et que tu chanteras plus, même si au fond tu chantais faux. Faut qu'ils sachent que tu me la donnée, ta bague de fiançailles, "pour toute ta vie", pour mon mari que tu connaîtras pas, ou pour ma femme, tu savais même pas ça, que je les aimais, les femmes. Faut qu'ils sachent que t'en pouvais plus mais que t'étais digne, et belle, et que sur ce lit qui puait la mort, tu nous as fait respirer l'amour.

Puis bientôt, il n'y avait plus de murmures. "Elle vous entend, elle vous entend encore" alors mon père te disait qu'il était temps de penser à toi, d'arrêter de t'accrocher pour nous. Qu'il était temps d'être libre. Moi je t'avais déjà tout dit, alors je te lisais Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, tous ces cons qui avaient raison et que tu aimaient. Tu as versé une larme.


La suite est encore plus absurde. Tu nous aurais vus, Maman, aux pompes funèbres, en train de choisir une boîte en bois et une urne en résine, j'avais jamais rien vu de plus triste ni de plus drôle. Tout est absurde, tout ne ressemble à rien, et pourtant ça continue sans s'arrêter. Je t'ai choisi une super tenue, tu vas voir, tu vas aimer, et ce collier avec la petite danseuse en perle, et les petites sandales multicolores. Ce sera comme tu as voulu, simple, très simple, même si je tiens à la poésie et à la couleur.


Et après, bah ... après, faudra trier, faudra vendre ou faudra jeter, faudra tout changer ou ne rien toucher. Faudra que je grandisse sans toi. Un jour, je chanterais à mi-voix "Dog days are o-over, dog days a-are done".


Merci à tous ceux qui l'ont connue, et qui savent, comme moi, quelle femme elle était. Une battante, une impulsive, une rêveuse, une révolutionnaire. Elle était parfaite, douce et tendre, tolérante, pleine de valeurs. Elle était imparfaite, colérique et susceptible, trop catégorique. Elle était la meilleure mère que je puisse avoir, pleine de lumières et d'ombres, pleine de souffrances et de courage. Elle m'a appris à être aimante, forte, à tendre la main et à cogner s'il fallait. 


Une pensée me travaille, et elle est stupide. Ce fameux jour, quelque part dans les 11 ans, quand je suis venue te trouver paniquée par ce qui se passait au fond de ma culotte. Après des explications brouillons et des conseils approximatifs, tu as passé une main sur ma joue en disant : "Marie, écoute : à partir de maintenant, tu peux avoir des enfants". Et tu avais l'air très émue. Moi, je m'en foutais parce que j'en voulais pas, parce qu'à l'époque, je voulais être un garçon. Tu les verras pas, ces petits chiards qui te ressembleront tellement. Et le pauvre type, la pauvre nana qui me fera l'honneur de me compléter, aura du mal à calmer mes ardeurs quand je leur dirais "Ecoutez, écoutez qui était ma mère, écoutez qui vous avez dans le sang".





Maman, tu me manques. Je suis triste, et je suis en colère. Maman, tu as 44 ans à jamais, et c'est un âge insensé pour mourir. Mais je sais aussi que tu es en paix. Tu ne croyais pas au Paradis et tu n'avais pas peur du Néant, mais moi je sais. Je sais qu'il y a un long divan confortable, une belle bibliothèque pleine de tout ce qui a été écris depuis toujours. Il y a un petit jardin ensoleillé. Tu manges des M&Ms et il y a des chats qui ronronnent. Il y a un disque de Saez qui passe, ou de Miossec, de toute façon tu as tous les CD du monde à portée de main. Sauf Christophe Maé. A la télé, il y a une série sympa qui commence.




Bon voyage, ma Maman, mon Soleil. 




01/05/1969  -  24/10/2013

mardi

Les 40 visages du Diable


La grande nouveauté de BuzBook ! Bien qu'à mon avis, ce ne soit une nouveauté que pour moi : je découvre ça, ébahie, ébaubie, en toute apoplexie, alors que je viens de passer mon après-midi devant Disney Channel. Autant dire que j'étais déjà dans l'ambiance quand j'ai lu le panneau "Nouveau".


Face aux nouvelles actions des réseaux sociaux, je ressens toujours un mélange d'enthousiaste et de consternation, un peu comme devant Disney Channel justement : prenez l'exemple de la banque ahurissante émoticônes en forme de panda, de cactus, de singe bleu et ceux de "mon premier compagnon" qui sont plutôt flippant. Ah, et les "happy got lucky", aussi : vous rêviez d'envoyer des rouleaux de PQ souriants à vos amis pendant vos discussions enflammées, c'est maintenant chose possible. Enfin, ceux qui ont des iPhone savent déjà de quoi je parle...
Bref, l'adjectif "nouveau" est assez mal choisi pour nous prévenir qu'on peut désormais, sur BuzBook, "dire ce qu'on ressent ou ce qu'on est en train de faire". C'est vrai que c'est une sacré nouveauté. Donc, nous avons un choix incroyable, on peut dire en direct ce qu'on regarde, ce qu'on lit, ce qu'on écoute ... c'est vrai que les notifications Spotify, les invitations à Candy Crush et le mini-fil d'actualité des "j'aime" de vos amis, on était un peu perdu, y'avait pas assez d'infos.

Pour ce qui est des émotions, on est servi, avec 40 nouveaux smileys magnifiques que je vous montre tout de suite :

N'est-ce pas merveilleux? On remarque déjà quelque chose de frappant, sur ces 40 visages, 26 sont complètement cheatés car ils sont identiques. Oui, comme en témoigne mon joli petit montage, sachez que si vous vous sentez "seul" ou "stupide", ça revient au même, et que la nuance entre "en pleine forme" et "fainéant" est inexistante. Au niveau du faciès, en tout cas...


Pourtant, il y en a des mignons, hein. J'avoue que j'ai vraiment hâte d'utiliser le "vieux", le "perdu", l'"aimé", l'"irrité" et le "en sécurité", mais pour le reste, on s’aperçoit que si les nuances linguistiques survivent à la culture BuzBook, les expressions visuelles sont en voie de disparition. La mort de la frimousse, le décès de la grimace, l'extinction de la tronche est proche. Et je voudrais qu'on m'explique la différence entre se sentir "bien" et "confortablement bien".

Nous avons ici toute la panoplie de la parfaite attention whore, tous les outils du BuzBooker en mal d'amour : pour tuer une espèce, donnez-lui les clefs de l'expression facile. Avant, on pouvait préserver un minimum de pudeur, avec des smileys "basiques", ou alors faire confiance au manque d'imagination des désespérés dont les statuts se résumaient à "ptain moment dur a passé là.....". Vous avez trouvez dix euros par terre? Chanceux. Vous avez merdé avec votre besta? Coupable. Vous avez zonné pendant votre jour de congé? Fainéant. Vous passez le permis? Déterminé. Vous venez de piquer une tête? Frais. Votre nouveau coup de cul de l'été? Amoureux. Ou Merveilleusement bien, puis très vite Incertain, Déprimé, Seul et Horriblement mal.

Même plus besoin de raconter l'histoire, de jouer les exhalés à la vie de rêve ou les oscillateurs de balcon, un simple visage dira au monde votre sensation précise, votre mal-être ou votre joie la plus intime. J'attends avec grande hâte les prochains smileys, du style "Indigestion du Nouvel An", "Orgasme matinal", "Vous aviez raison j'aurais pas du me remettre avec mon ex", "J'ai peur pour mon avenir professionnel" et "Je vais la demander en mariage ce soir". Et le pire, c'est que la fille qui écrit ce papelard hypocrite adore envoyer des autocollants de petits chats sur BuzBook, des petits chats pâtissiers, des petits chats qui font du vélo, des petits chats qui dorment dans des cartons de pizzas. Qui rêve secrètement d'être un jour "en couple" sur BuzBook pour de vrai, et qui est transportée de joie si sa photo de profil fait plus de 60 "j'aime".

Je rêve aussi secrètement du moment où BuzBook sera passé de mode. Déjà, pour voir ce qui va le remplacer, et qui sera surement has been pour mes enfants à venir. Ensuite, pour voir ce que ça va nous faire. Je fais malheureusement partie du morceau de ma génération qui ne peut pas se passer de BuzBook, parce que j'y parle, parce que j'y partage, ou plutôt, parce que je crois y partager. Au final, c'est un outil comme un autre, et je crois contrôler la situation : ma façon compulsive d'utiliser Budy Poke prouve peut-être le contraire. Ou alors est-ce le symbole d'un détachement réel et d'une profonde ironie? 

Je vous laisse sur cette super vidéo qui m'fait dire que l'important, au fond, c'est de savoir qu'on est ridicule ! 




AU FAIT ! 
J'ai bien pris note de vos participations géniales au concours du Trophé Troimilcébo, et je m'y atèle !

... si tu m'aimes, alors tu aimes ma page.
Ce n'est pas de l'auto-tunes, c'est de la mise en abîme.



vendredi

Trouamilcébo


Les enfants, quand vous lirez cet article, vous serez peut-être le 3 000ème visiteur des Conditions du Conflit.
Pour l'occasion, je vous offrirais bien quelque chose de chic et de fonctionnel comme un épluche-légume, mais je sais que vous êtes bien au-dessus de ça ! Contrairement à moi, par exemple. Rapport à ma taille. Vous comprendrez.

3 000 ça fait beaucoup, surtout pour un petit blog qui ne provoque pas de rébellion, qui ne vous donne aucune recette de cuisine valable et qui n'est même pas toujours drôle. Je vous avoue que je voulais profiter des vacances pour écrire plein d'articles, sur plein de beaux sujets, mais comme avec le taff je suis aussi essorée que la salade dans vos Sub 30, je n'ai pas eu le temps. Alors, pour fêter les 3 000 visites du blog, je vous réserve trois surprises ! Des remerciement, une info en or et un concours improbable.


Déjà, je vais remercier tous ceux qui ont répondu présent à mon appel aux scientifiques pour mon projet de pute bionique du futur : ça m'a fait très plaisir d'avoir vos messages, même si je n'ai pas expliqué mon projet à chacun d'entre vous ! Il doit encore mûrir ...

VOS COMMENTAIRES ME FONT CECI

Mais de manière général, quand vous postez des commentaires, ça me fait chaud au coeur ! J'aimerais vous voir plus souvent. Et je me demandais si vous n'aviez pas des idées de génie. Je suis sûre que vous en avez plein, des thèmes d'articles, des défis à relever, alors cet été je suis toute à vous ! Ordonnez, j'obéis, et je suis certaine que de vos cerveaux complexes et bien huilés sortiront des merveilles.

Maintenant, pour pas non plus partir dans tous les sens, je vais centrer cet article sur un peu de culture, et sur le titre du blog : Les conditions du conflit. Vous êtes nombreux, très nombreux à ne PAS avoir posé la seule et unique question valable, à savoir : qu'est-ce que c'est que ce foutu titre. Alors je me dis que vous savez peut-être. Ou alors que vous n'êtes simplement pas curieux, mais je serais très déçue. Très, très déçue ...

J'ai démarré ce blog en septembre 2012, alors que j'entais en L3 de Socio et de Science Po à Lyon, après m'être usé les yeux sur Balzac et Villon en Khâgne. Il est de notoriété public qu' Anouck Champignon (moi-même) ouvre un nouveau blog tous les ans, en septembre, pour marquer le renouveau que symbolise la nouvelle rentrée. Ainsi ai-je ouvert "Hyposteak" lors de mon arrivée en prépa, "Entre les Genoux" pour la deuxième année, et avant, il y en a eu tant d'autres ! "Citseko", "Not a Blog", et pour les plus vieux, "No Dying Day" et "Link You"... 

HOW TO MAKE A BLOG
L'idée, c'est que chaque année, démarrer quelque chose de nouveau me semble tellement excitant que ça justifie un blog, selon mon système de valeur : le blog a alors une vague thématique, puis s’essouffle pour être remplacé en septembre prochain. Mais je vous annonce (pour ceux qui me suivent depuis "Tigerlily Grubb of Little Delving" et qui en ont ras les cacahuètes) que ce ne sera pas le cas pour Les Conditions du Conflit !

Vous avez bien entendu, ce blog survivra à ses grands frères et restera actif en septembre prochain. Les anciens articles ne seront pas supprimés, sauf si leur lecture vous donne vraiment des boutons.

Le titre vient d'une pièce de théâtre, "Art" de Yasmina Reza, dont je suis en train de lire un roman brillant, "Heureux les heureux". Cette femme est exceptionnelle, elle a une façon de décortiquer les rapports humains avec la férocité et la sensualité d'une lionne. C'est extraordinaire, si vous n'avez rien lu d'elle je vous conseille "Art" pour débuter. C'est l'histoire de trois potes, Serge, Yvan et Marc, qui s’apprêtent à se retrouver le temps d'une soirée. Mais Serge a fait une drôle d'acquisition : un tableau blanc, entièrement blanc, qui lui a coûté 20 000 franc. Le tableau suscite questions, suspicions, interrogations, puis très vite, angoisses et rages. Sur la toile vide, les trois hommes laissent exprimer leurs terreurs respectives.

C'est un magnifique tableau (haha) des relations d'amitié, plus précisément masculines mais pour moi le thème reste universel. L'amitié, donc, ou en tout cas les semblants d'amitié, mais aussi la fatigue de la 40aine, la peur du vide, et la peur de l'art : l'art de plus en plus blanc, de moins en moins clair...

CECI EST BEAU !!
Bref, Reza nous dit tout. Et je vous donne ici l'extrait qui a inspiré le titre de mon blog, et qui se situe au climax de la pièce.
Peut-être que l'ambiance ne rend pas bien, là, comme ça, mais tout est caustique, tout est précis, en restant très naturel et très oral ! Il faut voir Arditi, Vaneck et Luchini s'emparer de ça et le transcender. Les rôles ont été écris pour eux, figurez-vous, et quand on les voit jouer, ça prend tout son sens.


Yvan : Je vous fous la soirée en l'air, moi, moi je vous fous la soirée en l'air?
Marc : Oui, oui, ne t'excites pas.
Yvan : C'est moi qui fous la soirée en l'air?
Serge : Tu vas le répéter combien de fois?
Yvan : Attendez, attendez, répondez-moi, c'est moi qui fous la soirée en l'air?
Marc : Tu arrives avec trois quarts d'heure de retard, tu ne t'excuses pas, tu nous saoules avec tes pépins domestiques ...
Serge : Et ta présence veule, ta présence de spectateur veule et neutre nous entraîne Marc et moi dans les pires excès. Parce que sur ce point, je suis entièrement d'accord avec lui. Tu crées les conditions du conflit.
Marc : Et cette mièvre et subalterne voix de la raison que tu essayes de faire entendre depuis ton arrivée est intenable.
Yvan : Vous savez que je peux pleurer, là. Je suis capable de pleurer, là.


Et le hasard fait bien les choses, puisque c'est grâce à un autre extrait de cette même pièce que j'ai réussi l'audition de la Scène sur Saône, mon école de théâtre dans laquelle j'entre en septembre, pour suivre une formation professionnelle d'Art Dramatique ...
Cette même pièce sur laquelle je suis tombée à l'oral du bac lors de l'épreuve de Français ...
Vous comprenez à quel point je suis attachée à Reza, et à "Art" !!


Oh et puis, je viens de penser à un truc : la vie c'est quand même mieux avec un épluche légume. Alors, lecteur, si tu revendique le titre de 3 000ème visiteur, et que j'aime tes arguments, alors ma plume sera à ton service ! Remporte la couronne du Trouamilcébo, et alors je te rédige ce que tu veux. Une dissertation, un poème, une chanson, un article, une déclaration d'amour... Du suspens, de la passion, de l'ironie, de l'érotisme, demande moi tout et je t'exauces ! 

... tu as bien compris, lecteur, que je n'ai aucun moyen de savoir qui sera vraiment LE 3000ème visiteur, alors plus ton projet est fifou, plus il est mothafuck et plus tu as des chances de le voir réaliser !!

Vos idées les plus folles seront classées, ordonnées, et réalisées avec amour .


Jamais comme on veut




"   Tu m'écris, il pleut à Montréal
Tu me dis, dis que je t'ai fait du mal
Je te lis, il neige à Paris
Le monde tourne à l'envers ces temps ci

Je sais qu'j'suis parti en coup d'vent
Et que ça ne t'a pas plu
Que je n'ai pas pris le temps
Le temps de te dire salut
Mais les amours sont mortes
C'est trop tard, j'ai franchi la porte

Et toi tu pleurs comme une madeleine
Et moi je suis triste comme les pierres
Je sais, je t'ai fais de la peine
Mais y a pas de bonnes manières
Pour se dire Adieu
Ça se passe jamais comme on veut  "
Paris / MontréalLes Cowboys Fringuants

Juillet.
Moins 5. L'amitié a bon dos.
Moins 4. L'amour s'installe sans qu'on fasse gaffe.
Moins 3. Les quatre heures de train Annecy-Marseille font peur.
Moins 2. T'es parti pour de bon.
Moins 1. T'es revenu pour de bon.
Juillet : il n'y avait pas de bonne manière pour se dire adieu.

Je pensais que ce serait long, une vie sans toi. En fait, j'ai plus assez d'amertume pour être méchante, ni même assez pour être triste : les choses et les gens ont tout emporté. Bien sûr, il reste quelques non-dits, quelques reproches encore que j'aimerais te faire, maintenant que je suis guérie. Mais ce que je vois, c'est qu'on a fait une longue route ensemble, et qu'on s'en est super bien sortie. Tu prendrais ton air triste et tu dirais arrêtes, avec le mal qu'on s'est fait. Mais avec le recul, il ne reste que les bonnes choses : elles survivent au reste.

Supertramp, je sais pas si t'as réussi à amasser de belles choses au dessus des merdes qu'on s'est créé, au dessus des angoisses et des nuits sans sommeil qu'on s'est donné parce qu'on a été trop cons. Mais je l'espère. Parce que pour moi, plus le temps passe, plus je crois que notre amour d'ados était beau, était vrai, et mérite de rester un souvenir agréable. Je crois que si ça a raté, c'est qu'on était pas fait pour être adultes ensemble. Non, nous on était fait pour avoir 16 ans, 17 ans, pour dormir à la belle étoile en rêvant d'un voyage en Inde, pour s'offrir des babioles colorées, pour croire qu'on pouvait faire un monde à nous où la musique serait la seule loi à respecter. Pour Into the Wild, V pour Vendetta, les révolutions d'enfants.

Je sais que cette idée est un peu vieillotte, mais peut-être qu'elle va te plaire. En tout cas, elle m'aide à me dire que ça pouvait pas coller, qu'on était un peu trop vieux pour s'aimer encore comme ça. Que maintenant, les rêves deviennent concrets et qu'on a besoin d'autres gens pour les partager. Peut-être des gens qui les ont rêvés, eux aussi, allongés dans l'herbe, les doigts pointés sur les nuages en disant "Promis, je t'emmène là-haut, prends ta guitare et quelques bières et ça nous suffira, ça nous suffira". C'était bien, de faire tout ça avec toi. De partir pour de vrai, aussi, un peu, pas assez.

Voilà comment j'y pense. On était fait pour être ados ensemble, et on s'est rendus heureux : maintenant on a vieilli. Oui, 20 ans c'est pas grand chose, mais c'est déjà ... plus pareil. J'ai pas besoin de te l'expliquer, de toute manière, tu l'as compris bien avant moi. Alors ouais, même si t'es pas là, je continue de t'écrire, quand j'essaye de penser aux amours de jeunesse, quand je veux faire une histoire attendrissante ou bien quand je tombe sur les Cowboys Fringuants. Je continue, parce que notre amour est mort, et parce que c'est pas forcément quelque chose de sombre et de terrifiant, c'est aussi quelque chose de simple sur lequel on peut chanter.

La seule chose que je regrette, c'est que tu me répondes jamais, Supertramp. T'es le seul qui sait pas ce que j'ai dans le coeur, j'avoue que ça me peine. C'est qu'on puisse pas donner une belle fin à cette histoire, qu'on puisse pas bricoler un semblant d'amitié derrière ça. Je sais même pas si c'est parce que t'as mal, parce que t'as peur, parce que tu t'en fous ou parce que tu ne comprends pas. Alors peut-être que si tu passes par là, tu finiras par comprendre.

Quoi te dire? J'ai grandi. Pas trop, non plus, faut pas exagérer, mais en tout cas : j'ai compris. J'ai compris que t'étais la bonne personne à aimer entre mes 15 et mes 20 ans, que je me suis pas trompé. Mais au delà, c'était pas possible. Alors, maintenant, je lis la suite du livre : j'aime ce qu'il faut aimer entre les 20 et les 25 ans, sans trop penser à ce qui vient après. Sans trop penser qu'un jour il va falloir trouver la seule, la bonne, l'unique personne et que ça va être galère. Qu'on va en voir, toi et moi, des déceptions avant d'arriver à ce qu'on veut vraiment. Mais on va découvrir des tonnes de choses, des tonnes de facettes de l'amour et des alentours, et ça aussi, c'est une aventure.

J'te souhaite bonne chance, j'ai envie que tu trouves. Que tu tombes sur des filles bien, qui arrivent à te comprendre, qui t'aiment pour toi tout en entier, qui te fascinent et qui te donnent confiance. Peut-être même que t'en as trouvé une, là, en ce moment, et alors profites-en bien surtout.

J'espère qu'un jour, tu vas répondre, Supertramp. En plus, tu te sentirais con si tu me croisais par hasard, tu saurais pas comment t'y prendre. Tout ce que je peux faire, c'est laisser cette porte-là ouverte. Que oui, je trouve ça nul que tu m'ai pas dis toi-même que tu voulais couper les ponts, que oui, ça m'a énervé d'apprendre ça par quelqu'un d'autre, comme si t'étais pas capable de m'affronter. Que oui, je t'en ai voulu, beaucoup, pour ne pas avoir respecté les termes du "contrat" qu'on s'était fixé. Mais on a une occasion, une occasion en or d'être zen, de laisser ça derrière nous et peut-être même de bien s'entendre.

Allez, la Force est avec toi.