vendredi

La ballade de Lila K : justesse et poésie dans l'anticipation, enfin.

Je ne supporte pas les romans d'anticipation apocalyptiques et culpabilisants : non seulement ça vous fout le cafard, mais en plus c'est affreusement à la mode. Comme le disait un article très bien foutu dont j'ai oublié la provenance, l'actualité s'est accaparée la littérature. En gros, on ne peux plus lire tranquille. Il y a toujours un Bagdad, ou un Big Brother près à vous bouffer la rétine et vous confisquez le sommeil, et à force de vouloir dénoncer et sensibiliser, on finit par nous couper l'envie de lire.

Alors là, un bon roman introspectif, ça fait du bien. Pourtant, l'anticipation, on est en plein dedans : bienvenue  au siècle prochain. Mais c'est construit avec une telle douceur qu'on ne se rend compte de rien. J'ai pu apprécier, enfin, une vraie pudeur dans l'introduction d'un nouvel univers. En temps normal, quand une nana s'est cassé la tête à bidouiller un siècle tout neuf, avec ses villes, ses réseaux, ses gadgets, ses politiciens, ses révolutions (voir même ses gnomes et ses dragons), elle a envie de vous en faire un spectacle. Entrée en trompette, et vas-y que je te fous des noms bien mystérieux et des hasards en bois, vas-y que je t'utilise 35 machines dès la première page, pour bien te faire sentir le poids de mes clopes, de mon café froid, de mes cheveux en pétard et de mes nerfs en pelote. Dès le prologue, on a vraiment plus envie.

Ce qui se passe avec Lila K, c'est merveilleux. Peut-être parce que je n'ai pas lu le résumer, où on précise qu'elle évolue dans un "monde où les livres n'ont plus le droit de cité". Soft. Mais ç'aurait pu être n'importe quelle enfant fragile, apeurée, arrachée à sa mère et attachée à ce seul et unique souvenir d'enfance. La môme a le corps détruit, les médecins et les éducateurs tournent autour d'elle, essayent de la faire sortir du mutisme.

Les caméras, on ne les voit même pas. Elles sont disséminées, par-ci, par-là. La santé sur-contrôlée, les masques et les gants, on ne les remarque pas trop... Même le chat qui change de couler m'a paru normal. On s'habitue, comme elle, et le monde nous habite. On se retrouve dans une putain de cité avec des livres électroniques, des automates dernier cris, des chimères, des analyses d'urine dès le petit dèj et, bien sûr, un mystère qui entoure la Zone, où sont recalés tous les déchets sociaux.

Déjà, l'histoire est belle. La petite fille est touchante, une vraie sauvageonne comme il nous en manquait (aujourd'hui l'héroïne de roman se veut douce, effarouchée, craintive et délicate : elle, elle te bouffe la main et elle utilise des mots comme         ). Ma seule critique sera là-dessus : tiens, les gens me regardent. Mais pourquoi donc? Mais voyons, Lila... tu es une sublime beauté. Ah bon? Tiens, j'savais pas. Hum, seule petite erreur de parcours pour (la belle) Lila.

La quête de la mère, c'est aussi un peu bateau, mais ça passe tout à fait. Les flashbacks sont frustrants et angoissants, les corps sont maltraités, les amours sont à demi-mots et les sanglots refoulés. Les angoisses sont belles, les ruptures sont magiques, les deuils sont poétiques. Oui, voilà : il y a une vraie poésie chez Blandine Le Callet, même dans les moments les plus durs, les plus crus, les plus vrais. Comme si elle effleurait tendrement les cicatrices, les coups de reins furieux, les déchirures du coeur.

Un roman qui fait du bien, qui se dévore, qui ne s'attarde jamais et qui donne dans la justesse. Jamais un mot de trop, jamais de lourdeur. Justesse et poésie dans l'anticipation, enfin.

J'ai tellement aimé que j'ai mis de la confiture dessus.

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