dimanche

Mes petits immondes à moi.




Mon petit monstre bien à moi. Tapi confortablement, enroulé sur toi-même, tu ronronnes. T'es paisible jusqu'à la prochaine crise. Tu sais, quand tu te réveilles avec les premières gouttes ou les premières bouffées de la soirée. Que tu commences à grogner, à t'agiter. Et plus ça coule, et plus ça fume, et plus tu t'excites. Tu  ravages tout à l'intérieur, tu griffes, tu mords, tu me laboures le coeur, et les gens croient que j'ai trop bu. Ils croient que j'ai trop fumé. Ils croient que je suis fatigué.

Eux aussi, ils ont leurs petits monstres. Ceux qu'on chouchoute, même si on les déteste. On les caresse, on les nourrit, faudrait surtout pas qu'ils partent : ils sont devenus tellement grands que tout s'effondrerait à leur départ. Et puis, la rage, ça donne de la force. La haine, ça donne du courage. Le sang, ça rappelle qu'on est vivant.

Le mien n'est même pas beau. Ni très intéressant non plus. Mais quand la musique est un peu trop forte, et qu'on y voit plus très bien, il devient grand. Il devient lourd, et fort. Il se dédouble, même, il me rappelle qu'il n'est jamais seul, et que l'autre n'est pas loin. Et j'entends des voix qui ricanent.

Mon petit monstre bien à moi. Rien que de savoir que tu es là, que tu existes encore, ça me répugne : j'entends les repas que tu mâches, les baises mous que tu donnes, les étreintes tristes et les récits ridicules qui font de ta vie une minable pantomime. Le dégoût m'handicape, mais la rage me fait tenir. C'est pour ça que je ne te chasses pas : quand tu te plantes dans ma chair, je me souviens que je t'ai hais, que je te hais toujours. Que la vie est plus forte que toi. Que tu ne sais pas qui je suis. Qu'un jour, tu vas cracher tes dents.

Peut-être qu'on peut apprivoiser les monstres en nous. Pour l'instant, on croit que j'ai trop bu, ou trop fumé, ou que je suis fatigué. Parfois, on croit que je suis de mauvaise humeur. Un jour, ça va sortir, en entier : toute l'histoire. Fini, les putains de bribes avouées, les morceaux crachés, les petits détails. Tout en un bloc, avec les noms et les adresses. Ce jour là, le monstre va disparaître, avec le même regard doux et triste que je t'ai vu fausser pour la dernière fois. Avec ton air penaud, triste et inquiet.

Et alors là, j'espère que la cave immense et sinueuse que tu auras creusée en moi va tenir. J'espère que les fondations sont solides, et ne vont pas s'écrouler, pour que je les remplisses de milles choses vraies, fortes et bonnes : d'amour, de joie et de tendresse, d'éclats de rire et de promesses.




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