samedi

Fin de soirée #6


Ils ont un goût, ces matins-là. Un goût dégueulasse que le fil dentaire ne fait pas partir, et qui fait de l'écho. Oui, un goût qui fait de l'écho, qui grimpe et qui s'installe sur votre langue pour une petite heure ou deux. C'est ça, de pas rentrer avant minuit et demi. Minuit et demi, c'est la time line avant les excès, la dernière chance avant de devenir fou.

Et après une longue vie passée dans les effluves de minuit et demi, à bouffer la dernière rame de métro alors qu'il y avait tellement d'autres trucs à croquer, ça suffit.
Donc, goût du petit matin. Rentrer vers 6 ou 7h avec le soleil qui se lève, croiser des gens avec des mallettes, des baguettes, en pleine branlette, bref : l'étrange population des lève-tôts vous dévisage. C'est pas une robe de lever de soleil, ils le voient tout de suite, parce qu'elle est bien trop courte, et pleine de taches de bière. Maquillage pas frais. Démarche hésitante. Les odeurs de clopes que vous trouviez sucrées il y a quelques heures se sont incrustées dans vos cheveux et sur vos vêtements, et ça vous écœure.

Retour au pied du lit. Encore trois heures avant que la journée démarre. Dormir, ne pas dormir? Réviser, ne pas réviser? Quoi que vous fassiez, dans trois heures vous aurez un sujet indigeste devant les yeux, et il faudra faire avec. Vous tirez alors une leçon essentielle : si l'on s'endort saoul, ce n'est pas par erreur. C'est pour échapper aux fins de soirées foireuses, et surtout, surtout, pour éviter la séance de flashbacks. Il est 7h, vous puez la bière et la clope, et vous êtes parfaitement lucide. Tout vous reviens d'un coup. Bien joué. Ah non, mais vraiment : bravo, l'artiste.

La prochaine fois, dormez sur place. Ou ne revenez jamais.

Moi, dans ces moments là, je pense à ta petite gueule exaspérante. Je me demande ce que je fous là. Comment j'ai pu être gracieuse et sensuelle y'a deux heures, quand tu m'avais encore sous la main, alors que là je sens le clochard du futur et j'ai l'air d'une pute bionique de 2250. Je tripote mon téléphone, je sais pas trop ce que j'espère : que tu vas appeler, ou que tu me foutes la paix? C'est pour ça que je m'endors bourrée. Là je pense plus qu'à ça, et si je veux me calmer, faut que je ressorte ramasser quelqu'un encore plus mal que moi. Le prochain métro de fin de soirée, c'est celui de 9h. Après, c'est 11h, et là, on entre dans un autre monde : j'en suis pas encore là. Je reste sage. Les partiels, tu vois.

Alors je t'attends, je me dis : tu vas apparaître, comme un con, t'auras l'air moche, peut-être même que tu sentiras aussi mauvais que moi, et qu'on sera deux clochards du futur bien amochés par la poisse. Je m'endors lucide.

La prochaine fois, dormez sur place. Ou rentrez avec moi.



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