vendredi

Joyeux anniversaire, J - 22


Et après, quoi? Une météorite, peut-être?

Je crois que ça a commencé en octobre 2010. C'est à peu près là qu'il a fallu vraiment se mettre à trimer. Y'avait toujours un truc : si c'était pas une synthèse, c'était une colle, une session de tournage, un concours blanc, une répétition générale, un exposé oral, une dissertation, une réunion d'info, un stage intensif pour un concours, un conseil de classe, un dossier d'inscription. Oui, ça m'empêchait pas de faire la fête de temps en temps, c'est sûr. Mais, tu sais, c'est pas ça qui détend. 

La vrai détente, c'est quand ton lendemain est vide. Mais intégralement vide. Pas le moindre morceau de mouche ou de vermisseau. Après l'Hypokhâgne, l'Amour qui cadrait à peu près mon univers a foutu le camp, et donc, c'était pas vraiment un été de détente. Une fois en Khâgne, c'était foutu. Encore une fois : oui, ça m'empêchait pas de faire la fête de temps en temps. Mais c'est pas les murges, c'est pas les nuits blanches, c'est pas les baises intempestives entre deux dissert qui détendent. Ce qu'il fallait, c'était pas de dissert du tout.

J'en rêvais, de ça. Plus de plan, jamais. Plus d'intro, jamais. Plus de traduction, plus de dictionnaire, plus de thème et plus de version. Un vide sidérale, un écran noir, une remise à zéro des compteurs. Et je me disais : après Normal Sup, tu verras. Après le concours de Normal, tu verras, tu vas souffler. Mais il a fallu que je déconne. Le viol n'est pas vraiment bon pour la santé, à consommer avec modération, surtout à l'approche de l'été. Et puis les dossiers d'inscriptions, les aller-retours sur Lyon, l'Amour qui revenait...

Mais il y a eu Oxford. 
Alors là. La plus grosse bulle d'air de toute ma vie, Oxford. Suspendue au dessus du temps, entre deux langages, entre deux étages de bus, entre deux couleurs de cheveux. L'agitation, la magie de Londres, et le calme reposant des parcs ensoleillés ... Les millions de langues qui pépiaient de tous côtés, le campus bondé, le campus désert, le campus animé, le campus silencieux, tout. Là, là j'ai respiré.

Depuis, y'a rien qui va. Y'a rien qui va parce qu'il y a toujours un truc, après. Si c'est pas un exposé, c'est un partiel, une retranscription, un dossier de groupe, une audition, un médecin, une engueulade, un déménagement, un mort, un procès, un chantage, une séparation. Ma "TO DO LIST" s'allonge à l'aune des jours. Et après, quoi? Une météorite, peut-être? 

Alors, oui, ça m'empêche pas de faire la fête de temps en temps. De faire des vidéos idiotes, de jouer à des jeux ridicules, d'écrire des bêtises qui font dire : eh, bah voilà, t'as le temps, en fait. Je dois passer pour une glandeuse, aux yeux de tous ceux qui me voient "en ligne" sur FaceBook et qui savent pas que je me rongent les ongles, parce que bientôt, c'est le 25. Bientôt, c'est le 25, bientôt ça fait un an, et la vie m'a rattrapé.

Tu sais, je me demandais ce que j'allais faire ce jour-là. Si j'allais m'enfermer chez moi avec du beurre de cacahuète, si j'allais entamer une névrose, ou si j'allais sortir pour marcher, pour courir, pour danser le plus loin possible de moi. Réussir à rire, à passer une journée normale. Ecouter "Sweet Dreams" en me demandant "Who am I to disagree?". Chialer pour de bon. Ou bien craquer, et les appeler. Même pas tous, hein, à la limite, juste lui. Juste l'appeler, voir s'il répond. Lui proposer un jeu morbide : joyeux anniversaire. Le premier qui survit à l'autre a gagné. 

Puis un MacDo m'a appelé, rapport à mon CV. J'ai décroché un entretien, pour bosser cet été : le 24 à 10h, c'est parfait, merci Madame.   J'ai oublié d'être mal fichue. J'ai oublié que j'allais être mal fichue, du 24 au 26, parce que ça fait un an qu'il me manque une case. Parce que ça fait un an que je sais pas quoi faire de mes monstres.

J'ai dit : "c'est parfait, merci Madame", et j'ai oublié qu'il me fallait juste trois jours de vide sidéral dans l'année pour me sentir bien. La vie nous rattrape toujours. On croit qu'on a le temps d'être malheureux, on croit qu'on a le temps d'avoir mal, mais non : elle nous court après, la salope, la Reine, elle nous bouffe et elle nous sauve en même temps. 

Donc, si vous me demandez ce que je fais le 25, je vous dirais :

" Rien, et toi? "

Et si t'es sur Annecy, on ira boire un verre.


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